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Interview « Il faut remettre la question de l’eau au cœur de notre action »

Dans un entretien à La France Agricole, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie s’est exprimé sur le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, le marché du carbone et les nouvelles techniques de sélection végétale (NBT).

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La France agricole : Vous avez annoncé l’organisation avant l’été d’un Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique. Quels en sont les enjeux ?

Julien Denormandie : Il faut revenir à l’essentiel dans le cadre des politiques publiques agricoles. Aujourd’hui, l’important est de savoir comment on adapte notre agriculture aux conséquences du changement climatique notamment sur la gestion des réserves en eau, l’irrigation, le stress hydrique, les sécheresses, parfois les canicules.

 

Or le ministère de l’Agriculture n’a pas pris assez à bras-le-corps le sujet depuis maintenant 15 ans. Il n’a pas suffisamment proposé des solutions opérationnelles, innovantes pour les agriculteurs. Il faut donc remettre la question de l’eau au centre de notre action en reconnaissant la difficulté du sujet et la globalité des enjeux qui y sont associés.

 

C’est d’autant plus important qu’aujourd’hui dans le débat sur les questions de l’eau il y a beaucoup de postures de part et d’autre. L’un des enjeux de ce travail du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, c’est remettre de la raison et de la science, avec une vision à long terme. La souveraineté de notre pays en dépend.

Concrètement, quels sujets seront abordés ?

 

Trois sujets vont être posés.

À lire aussi :Sécheresse, gel, grêle, 70 millions d’euros pour vous équiper face aux aléas climatiques (10/12/2020)

Il faut améliorer l’aménagement hydraulique agricole de notre pays

Julien Denormandie

Il n’est pas possible de faire de l’agriculture sans eau, il s’agit d’un enjeu de souveraineté essentiel. C’est pour cela qu’il faut améliorer l’aménagement hydraulique agricole dans notre pays. Un certain nombre de dispositifs n’ont en effet pas été imaginés avec les contraintes que nous connaissons aujourd’hui (de stress hydrique par exemple). Prenez l’exemple du bassin-versant de la Seine. Il a été aménagé au fil des années pour prémunir la capitale des crues, mais trop peu pour répondre aux autres enjeux, notamment agricoles.

 

 

« Les projets de réserves d’eau doivent être faits dans la concertation et ils doivent être sécurisés », insiste le ministre de l’Agriculture. © Jean-Bernard Nadeau

Quid des projets de territoire sur la gestion de l’eau ?

Il faut aussi renforcer les financements du plan France Relance pour la rénovation des réserves d’eau existantes. Et dans certains territoires, il faut avoir le courage politique de constituer de nouvelles bassines. Cela ne dépend pas uniquement du gouvernement mais aussi des projets de territoire.

 

Il faut le faire dans un cadre de concertation — les PTGE — mais le processus est encore trop lent. Il faut l’accélérer, c’est l’objectif de la cellule interministérielle mise en place récemment. Ces projets doivent être faits dans la concertation et ils doivent être sécurisés.

 

> À lire aussi : Cellule interministérielle, accélérer les projets de territoire pour la gestion de l’eau (04/03/2021)

 

Sur ce dernier point, une étape importante va bientôt être franchie : le décret sur la gestion quantitative de l’eau va être publié dans les prochains jours. Il vient sécuriser les prélèvements dans les bassines existantes. C’est une avancée très significative, attendue depuis des années.

 

Le décret sur la gestion quantitative de l’eau va paraître dans les prochains jours

Julien Denormandie

> À lire aussi : Irrigation, le projet de décret sur la gestion de l’eau entre en consultation (22/01/2021)

 

Comment va s’organiser ce Varenne ?

Le lancement aura lieu avant l’été et le processus devrait durer plusieurs mois. Des groupes de travail vont être mis en place sur ces différentes thématiques, permettant à chaque fois de poser le problème et de travailler sur des solutions. Il relève de beaucoup de questions agricoles et sera un amplificateur des dynamiques lancées depuis près d’un an maintenant.

Le gouvernement a officiellement lancé le 30 avril son dispositif de subvention de bilan carbone pour les jeunes installés. Au travers de cette initiative, quelle est votre ambition ?

Les « bons diagnostics carbone » sont un module de tout l’édifice que nous sommes en train de construire autour de la thématique du carbone en agriculture. Trop peu le savent, mais le sol capte beaucoup plus de carbone que les arbres en forêt. Cela montre à quel point les acteurs du sol, c’est-à-dire les agriculteurs, ont un rôle majeur à jouer pour lutter contre le changement climatique en captant ce carbone dans le sol.

 

Les « bons diagnostics carbone » s’articulent avec le Label bas carbone, déjà opérationnel et en cours d’enrichissement, qui permet aux agriculteurs de valoriser ces pratiques par le biais de crédits carbone. Ce système amplifie les dynamiques car il présente un double intérêt : environnemental et économique. Le monde forestier a pris ce virage il y a quelques années ; je souhaite pouvoir l’enclencher pour le monde agricole.

Le Label bas carbone (LBC) valorise économiquement les pratiques favorisant le stockage du carbone dans les sols et/ou faiblement émissives de gaz à effet de serre. Le ministère de l’Agriculture indique qu’à ce jour, plus de 1 000 projets agricoles ont obtenu le LBC, et 300 ont déjà bénéficié de financement via l’initiative portée par Carbon Agri. © C. Faimali/GFA

Comment accompagner le développement des crédits carbone en agriculture ?

Nous sommes en train d’organiser des plateformes d’échange entre l’offre et la demande. C’est-à-dire qu’on est en train de créer, au-delà de l’offre, le lien avec la demande de la part des entreprises qui sont assujetties ou non à des obligations de réduction ou de compensation de leurs émissions.

 

J’ai déjà eu plusieurs échanges avec certains grands patrons d’entreprise ainsi qu’avec un certain nombre d’institutions financières qui sont prêtes à mettre en relation ces entreprises et le monde agricole.

 

La demande ne prendra son plein effet que dès lors que les crédits carbone seront émis par le monde agricole via le label bas carbone. Plus l’offre sera forte et structurée, plus la demande sera dynamique.

Plus l’offre de crédits carbone sera forte et structurée, plus la demande sera dynamique.

Julien Denormandie

Pourquoi avoir réservé le dispositif des « bons diagnostics carbone » aux jeunes installés ?

Les bons sont éligibles à tous les installés depuis moins de cinq ans, quel que soit leur âge. C’est une première étape que l’on a construite avec les jeunes agriculteurs. On verra ensuite s’il nous faut élargir la cible des personnes pouvant en bénéficier.

 

(1) interview réalisée le 30 avril 2021

 

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